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Grand entretien : Raphaël Jodeau nous dit tout !

Dernière mise à jour : 26 févr.


Suite à notre Assemblée Générale qui s'est tenue le 22 février, le Président de la CPME du Jura répond à nos questions pour dresser un bilan de sa première année de présidence et présenter les orientations stratégiques pour l'année 2024. Vie professionnelle, vie privée, fonctionnement interne de la CPME, perspective sur la vie économique du pays, Raphaël Jodeau nous livre tous les détails.


Pouvez-vous dresser un bilan global de votre première année en tant que président de la CPME du Jura ?


J’ai été élu Président de la CPME du Jura en toute fin du mois de décembre 2022. Le bilan est globalement très positif. Nous avons un Conseil d’administration compétent, enjoué et soudé, une équipe de permanents extrêmement efficace, de plus en plus d’adhérents, une trésorerie très positive, des partenaires dynamiques, de nombreux événements et la tête pleine de projets.


Quels étaient les objectifs fixés en début de mandat et dans quelle mesure ont-ils été atteints ?


En début de mandat nous avions tous les objectifs d’une organisation professionnelle “classique.” La mission de la CPME est simple : contribuer à protéger la naissance, le développement et la pérennité de l’aventure entrepreneuriale. La CPME le fait dans tous les départements, il fallait que dans le Jura aussi ce soit le cas.


Tout ce qui permet à la CPME de réaliser cette mission devient donc un objectif : souder l’équipe, construire un réseau solide, développer les adhésions, bâtir des ponts avec les acteurs de la vie socio-économique du département, apporter tous les services possibles aux entrepreneurs et répondre à leurs attentes.


Devant l’ampleur du chantier, la principale difficulté était de prioriser et de se focaliser sur l’indispensable, puis l’utile, et enfin le souhaitable. J’ai la chance d’être entouré par un Conseil d’administration aguerri et aux compétences très complémentaires, ce qui est une aide précieuse.


Quels ont été les principaux défis auxquels la CPME du Jura a dû faire face cette année ?


Si j’analyse froidement la situation, je dirais que la plupart des défis sont consubstantiellement liés au principe du changement.

Ce qui change inquiète tout le monde, moi le premier, et il a fallu contourner cet obstacle.


La première difficulté était opérationnelle. Il fallait constituer une équipe consciente de la nécessité de changement et capable de le réaliser. Or les nécessités étaient nombreuses : trouver un local, faire toutes les démarches administratives pour reconstituer la CPME, mettre en place les outils techniques (logiciels, communication, etc.), donner un esprit de corps en faisant prendre conscience que la CPME est une partie d’un tout national, avec lequel il faut impérativement composer pour résoudre des problèmes qui, parfois, dépassent largement l’échelle du département.

D’autant que quand nous sommes arrivés avec Sabine Dumoulin (la chargée de développement qui a commencé en même temps que moi), le domaine était tout à fait nouveau pour elle comme pour moi !


Le deuxième défi était un changement d’ordre fonctionnel. La CPME ne doit pas tout faire, mais elle doit cependant retrouver la fonction qui est la sienne au milieu des autres acteurs économiques. Or dans le paysage institutionnel jurassien les choses étaient bien assises depuis de nombreuses années, et notre remontée à la surface a nécessairement créé des remous. Comment en serait-il autrement ?

Il était donc vraiment important pour nous d’expliquer que nous sommes une corde de plus à l’arc de chacun, et non un concurrent. D’autant qu’une part importante de notre activité est d’être lanceur d’alerte, ce qui ne simplifie pas les choses. Il est donc essentiel de jouer collectif avec ceux qui le souhaitent.


Le troisième défi était d’ordre politique parce que l'entreprise étant fondamentalement le poumon économique du Jura, notre activité est donc en permanence imbriquée dans la politique. Mais le pire aurait été de vicier notre action en tombant dans la politique politicienne. Notre mission est la prospérité des entrepreneurs et de leurs salariés.

Il faut donc :

- en interne que tout le monde comprenne bien que les idées politiques de chacun doivent impérativement s’effacer devant le bien commun des entrepreneurs. C’est le fil rouge de notre raison d’être. Qu’importe l’étiquette, toutes les bonnes volontés sont les bienvenues.

- en externe nous devons envoyer un message fort de neutralité politique. Or de nombreuses forces sont en présence dans le Jura, et faire travailler les uns avec les autres n’est pas toujours chose facile.


Comment vous et votre équipe avez-vous abordé et surmonté ces défis ?


En étant clair avec tout le monde. On ne pourra jamais convaincre quelqu’un qui ne veut pas entendre, mais il est essentiel d’engager le dialogue chaque fois que c’est possible et d’agir dans une optique de rassemblement.

Il faut aussi faire preuve d’humilité en laissant d’autres régler les problèmes que nous ne pouvons pas forcément régler, dans les relations personnelles comme dans les relations institutionnelles.

De ce point de vue, je forme avec Sabine une équipe très complémentaire. Elle a des qualités que je n’ai pas, et réciproquement. Et c’est exactement pareil pour le Conseil d’administration. Chacun a sa propre façon d’aborder les sujets et les gens, et c’est une force pour notre CPME de pouvoir compter sur cette diversité.


Quelles nouvelles initiatives ou innovations avez-vous introduites au sein de la CPME du Jura cette année ?


Il y en a eu beaucoup, mais j’en citerai cinq.


Pour commencer : le recrutement de Sabine en début d’année et celui de Nathan Fléchon, notre chargé de communication, en fin d’année. Ce sont les forces vives de la CPME qui, sans eux, ne tournerait tout simplement pas.


Nous avons ensuite rempli toutes les chaises vides de nos mandats. En comparaison avec les autres départements, nous avions très peu de titulaires et quasiment pas de suppléants.

Or qu’il s’agisse du Tribunal des affaires sociales, où nous sommes les seuls représentants employeurs, à la CPAM, aux Conseils des Prudhommes, à la CAF, etc., tous ces mandats sont absolument vitaux pour défendre les entrepreneurs quotidiennement sur le terrain. Les mandataires sont vraiment des gens formidables ! Alors qu’ils ont autant de soucis professionnels et familiaux que les autres chefs d’entreprise, ils prennent du temps bénévolement pour servir la cause de leurs pairs. Nous leur devons une énorme reconnaissance et je souhaite beaucoup plus les mettre à l’honneur en 2024 !


Nous avons également multiplié par huit le nombre de partenaires en élaborant un système de partenariat clair et gratifiant pour tout le monde. Qu’il s’agisse de partenaires institutionnels ou commerciaux, les entrepreneurs du Jura leur doivent également beaucoup, tant d’un point de vue financier que de celui des compétences apportées !


Nous avons mis sur pied un certain nombre d’événements au service des entreprises.

Les Clubs PME d’abord, qui ont lieu un peu plus d’une fois par mois le temps d’un déjeuner de midi et dans lesquels les entrepreneurs viennent puiser des pratiques et des conseils tout en rencontrant d’autres entrepreneurs ou responsables politiques.

Le Gros événement ensuite, réalisé en partenariat avec la CPME du Doubs, qui permet d’élargir encore le réseau outre-Jura et de passer un moment très convivial.

Nous avons concocté un joli programme pour l’année 2024, qui devrait faire plaisir à tout le monde.


Enfin en discutant avec les indépendants et les commerciaux, j’ai réalisé qu’ils avaient très souvent un problème de locaux ou de point de chute. J’en ai parlé au Conseil d’administration et nous avons choisi de mettre un local gratuitement à la disposition de nos adhérents en partenariat avec Dominique Mégard, du groupement Magellan. Tout adhérent peut contacter Sabine et venir s’y poser pour travailler ou recevoir des clients. Pour le moment il n’en existe qu’un, à Lons, mais nous souhaiterions mettre cela en place dans toutes les parties du Jura où ce serait une plus-value.


Comment ces initiatives ont-elles été reçues par les membres et quelle a été leur impact ?


A chaque fois que nous discutons avec les adhérents, nous avons la joie de voir que nous répondons de mieux en mieux à leurs attentes. C’est très gratifiant !

D’ailleurs les Clubs PME sont de plus en plus remplis et c’est chaque fois une joie de découvrir de nouvelles têtes.


Une autre mesure de satisfaction est évidemment le nombre d’adhésions, qui a atteint en 2023 un record historique.

Si les adhésions ne sont pas un but en soi, elles témoignent malgré tout d’un engouement pour notre organisation.


Comment avez-vous travaillé à renforcer l'engagement des membres et à promouvoir la collaboration au sein de la CPME du Jura ?


Je suis convaincu que l’engagement des membres passe par la compréhension profonde de notre rôle et de notre ADN.

Nous avons commencé par la tête. Les mandataires passent désormais un entretien en bonne et due forme et se voient remettre un exemplaire de Cap France, une brochure qui synthétise les positions de la CPME sur les différents sujets économiques. Le Conseil d’administration a reçu une copie des statuts et du règlement que pour la plupart ils ne connaissaient pas.


Les événements et les bons moments passés ensemble font le reste. Je souhaite une CPME résolument professionnelle mais détendue, parce que les chefs d’entreprise ont suffisamment de soucis comme ça.


Comment votre organisation a-t-elle contribué à la défense et au soutien des PME dans le contexte économique actuel ?


Je ne peux pas citer tous les noms pour des raisons de confidentialité, mais nous sommes intervenus sur beaucoup de dossiers afin de venir en aide aux entrepreneurs.


Je peux vous donner quelques exemples.


Tout d’abord notre service juridique, piloté par Paul Turchet, répond aux nombreuses questions des entrepreneurs et démine des situations qui auraient pu tourner à la catastrophe.

On parle aussi assez peu du Tribunal des affaires sociales où Marie-Claude Guignard réalise un travail exceptionnel et épaule, voire sauve des entreprises, parfois de taille très importantes ! La situation cocasse est que certaines de ces entreprises ne souhaitent pas adhérer parce qu’elles n’ont “pas besoin de nous.”


Nous sommes également intervenus pour aider un entrepreneur à qui l’URSSAF réclamait depuis plusieurs années 15 000 € alors qu’il s’agissait d’une affaire d’usurpation d’identité. Le problème a été résolu et l’entrepreneur n’a pas dû payer un centime.

Je remercie la CPME régionale pour son intervention dans cette affaire.


Nous avons été très actifs dans le dossier Lacroix, qui voyait une partie de son activité grandement menacée par un projet de norme européenne. Nous avons pour cela dû mobiliser le siège national, que je remercie au passage pour son lobbying au niveau européen.


Je trouve ces quelques exemples assez parlants parce qu’ils montrent l’action de la CPME au niveau départemental, régional, national et même européen.


Quelle vision avez-vous pour la CPME du Jura et comment envisagez-vous son évolution ?


La CPME du Jura doit déjà continuer sur sa lancée et consolider ses acquis. Offrir des services, organiser des événements, fédérer les initiatives, multiplier les partenariats et être là où les entrepreneurs l’attendent.


Pour le reste, comme je l’expliquais précédemment, la CPME n’a pas vocation à tout faire et doit laisser les autres institutions exercer leur mission mieux qu’elle ne le ferait. Chacun son rôle.


Quels sont les axes stratégiques que vous comptez développer pour l'année à venir ?


Mis à part consolider l’existant, le premier axe stratégique est clairement d’épauler les entrepreneurs sur la question du recrutement. Vous verrez tout au long de l’année 2024 sortir des projets qui ont déjà été votés en Conseil d’administration et qui aideront à la rencontre entre les entreprises et des demandeurs d’emploi.


Le deuxième axe stratégique est de décupler l’efficacité des mandataires au niveau du département, en les formant (trois d’entre eux sont déjà montés à Paris pour cela), et en mettant en place les processus qui feront que personne ne se sentira isolé dans son mandat. Nos mandataires font souvent l’objet de pressions et naviguent dans un contexte très hostile aux entrepreneurs. Ils doivent être soutenus et valorisés.


Le troisième axe stratégique est d’apporter également un soutien psychologique aux entrepreneurs. Nous avons déjà fait un premier pas en formant deux membres du Conseil d’administration auprès de l’Association APESA, mais la loi nous donne la possibilité d’aller beaucoup plus loin dans le sauvetage et l’assistance, et nous devrons faire le maximum dans le cadre des possibilités qui nous sont offertes.


Enfin, pour ma part, j’aimerais également mettre beaucoup plus en valeur les richesses du terroir jurassien, dont je suis tombé littéralement amoureux, et nous avons déjà engagé un certain nombre de rencontres et d’actions qui devraient aller dans le bon sens pour 2024.


En tant que président, comment conciliez-vous vos responsabilités au sein de la CPME avec vos autres engagements professionnels et personnels ?


Alors ça c’est la vraie bonne question. A côté de la CPME je suis père de famille nombreuse, je gère JCOM, mon agence de communication et je suis président du Dynabuy Club de Lons-le-Saunier.

Ajouté au sport et à d’autres activités, tout cela fait que le temps est précieux, d’autant que contrairement à ce qui se passe dans les syndicats de salariés, où les salaires défraient régulièrement la chronique, les Présidents de territoire sont bénévoles !


C’est donc un énorme travail que j’ai dû apprendre à cadrer pour qu’il ne me dévore pas.


Disons que les nuits sont courtes, et que les moments de détente doivent être ultra-qualitatifs pour que les batteries se rechargent le plus rapidement possible. Ça tombe très bien : dans le Jura on sait boire, manger, rigoler et se faire des amis, ce qui permet de décompresser.


Après je dois dire que j’ai une épouse formidable, des collaborateurs au top et un Conseil d’administration engagé. Donc je ne suis pas le plus mal loti.


Qu'est-ce qui vous motive à poursuivre cet engagement malgré les défis ?


Je crois que j’ai récemment pris conscience de choses qui me permettent de répondre à cette question.


La motivation essentielle est que je n’ai jamais supporté l’injustice. J’ai même été viré des cours de maths pendant un an pour avoir défendu un camarade victime d’un professeur complètement tyrannique. Et ce sentiment m’a accompagné toute ma vie.


Or j’ai la sensation que l’entreprenariat est victime en France d’une injustice qui me révolte au plus haut point. Voilà des gens qui travaillent un nombre d’heures incroyable, qui doivent faire face tous les jours aux pressions du marché, des matières premières, des fournisseurs, de l’Etat (contrôles, normes, écologisme), des salariés… Tout cela en ayant les mêmes problèmes personnels que tout le monde ! Dans l'immense majorité des cas, ils ont pris des risques considérables, parfois en hypothéquant leur maison ou leurs biens, juste parce qu’ils ont la passion de construire des projets. Ils gagnent souvent à peine plus que le SMIC, et souvent moins (cf. la dernière enquête de la CPME nationale).


Mais pourtant dans les médias on en parle comme des nantis ou des parvenus. Quand ils réussissent, on leur en veut, quand ils échouent, on se moque d’eux.


Or ces entrepreneurs sont les poumons de la France ! Ce sont eux qui embauchent, qui payent des impôts, qui augmentent la production nationale, qui construisent l’univers qui nous entoure. Sans eux nous n’aurions pas de maisons, pas de routes, pas d’ordinateurs ou de téléphone.

Trouver à manger et à boire prendrait la majorité de notre temps…


Avant je le savais concrètement pour moi, et en théorie pour les autres. Mais depuis que j’ai cette responsabilité, je mesure directement l’ampleur de l’injustice qui les frappe. Et je dois le dire : ça me révolte au plus haut point !


Ces héros que l’on surtaxe méritent-ils d’être traités de “parasites” par un candidat à la présidentielle ?

Les petits patrons méritent-ils d’être assimilés en permanence aux grands patrons du CAC40 ?

Je ne le crois pas.


Face aux incertitudes économiques et aux défis sociaux, comment la CPME du Jura se positionne-t-elle pour l'avenir ?


La question est celle du constat.


Je rencontre régulièrement des entrepreneurs qui me disent globalement que tout devient de plus en plus dur jusqu’à la rupture (financière et psychologique), mais je discute avec des institutionnels qui me disent que tout ne va pas si mal. Aux uns je dis de tenir bon et ils me traitent d’optimiste. Aux autres je tire la sonnette d’alarme et ils me traitent de pessimiste…


Ce qui est sûr et objectif, c’est qu’au niveau national la balance commerciale est un gouffre, la dette publique atteint des sommets, les dépenses publiques sont un torrent. Même la croissance doit être prise avec d’infinies précautions puisqu’en l’état actuel des calculs, l’augmentation des dépenses publiques fait mécaniquement augmenter le PIB !

D’un autre côté des décisions sont prises qui mettent objectivement en danger l’économie. Le logement, par exemple, dont le découragement frappe, par ruissellement, tous les corps de métier qui y contribuent.


En parallèle, il n’y a jamais eu autant de mouvements sociaux que ces dernières années. J’ai vérifié : depuis deux ans il y a en moyenne plus d’un mouvement de protestation par mois.


Or l’histoire l’a démontré : l’instabilité n’est pas bonne pour les affaires. Pour que le marché respire, les entrepreneurs doivent évoluer dans un contexte de paix et de liberté.


La CPME doit donc trouver sa place dans ce contexte. Nous ne sommes pas aux manettes, c’est vrai, mais nous avons la capacité d’agir, de fédérer, d’informer et de conseiller, à tous les niveaux, les différents acteurs de la vie socio-économique. Sans eux, rien ne peut changer. C’est donc eux qu’il faut convaincre.


Quel message souhaitez-vous adresser aux membres de la CPME du Jura à l'issue de cette assemblée générale ?


Déjà un immense merci puisque ce que nous avons pu accomplir, c’est avec leur soutien.


Ensuite je veux les assurer de l’engagement de tout le Conseil d’administration et de nos mandataires à leurs côtés.


Enfin chacun doit prendre conscience que l’individualisme tue, même les entreprises. Je constate jour après jour que quand quelqu’un va bien, il pense que tout va bien. Le contraire est vrai aussi. Et ceux qui vont bien aujourd'hui sont peut-être ceux qui iront mal demain !

Il est évident que pour redresser la situation il faut donc que les gens qui vont bien soutiennent ceux qui vont mal. A la CPME, c’est ce que nous faisons…


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